Sujet :

Mme Mézerette ne reviendra pas sur sa décision !

Date :

27/04/2004

Des Manants du Roi  (diffusion(chez)lesmanantsduroi.com) 

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

 

Et avec un « nous » de majesté ! Allons-nous rester les bras ballants face à un tel toupet ? La lettre de Gérard Lifeld – Et quelle lettre ! – à Marie-Claire MEZERETTE, directrice des jeux et divertissements sur France 3, doit retenir l’attention de tous les Français. Haut les cœurs ! La Voix de la France est en français...

 

Injure est faîtes à tous ceux qui aiment notre langue.

À l’imitation de Charles d’Orléans, faisons savoir…

« Si fais à toutes gens savoir
Qu'encore est vive la souris »

 

 

Lettre de Gérard Lifeld à Marie Claire MEZERETTE,

Grand merci à Gérard Lifeld.

 Nous « osons » illustrer cette belle et forte lettre…
 

 

TRACTATUS LOGICO-TELEVISIONUS

Lettre ouverte à France 3,

à l’attention de Madame la Directrice des jeux et  des divertissements

 

Madame,

 

Afin de justifier votre choix de la langue du dollar pour représenter la France (sic) à l’Eurovision2008, vous réagissez ainsi : « Je comprends la logique selon laquelle un chanteur français devrait chanter en français, mais je trouve exagéré que l'on puisse se dire « choqué » face à notre choix. On ne cherche pas la polémique, mais nous ne reviendrons pas sur notre décision, c'est définitif ».

La logique ! Quelle belle science ! Un peu négligée de nos jours dans les classes terminales. Mais tout de même ! Les profs de maths parfois, songeurs et émerveillés, à l’arrivée des beaux jours quand on peut ouvrir les fenêtres de la classe, ou lorsqu’ils sont amoureux, peuvent s’extasier que si a égale b, il faut nécessairement que b égale a. Il arrive qu’un élève, soudain, dans ce monde de certitudes et de préjugés, de définitif et d’évidence, lève les yeux, redécouvre ainsi la grandeur oubliée du « Dis, pourquoi papa ? » qui avait pourtant enchanté son sourire enfantin, même s’il cassait un peu les pieds au papa qui regardait le monde à la télévision, à France 3.

Mais la logique a beaucoup évolué. Sganarelle déjà s’en tenait à l’idée que deux et deux sont quatre. Et « C’est logique » est parfois synonyme de «aFiche moi la paix, je t’ai dit non ; et c’est non ! », voire même une « captatio benevolentiae » du genre « Est-ce que vous trouvez logique quea? Moi non ! », etc.

On connaît ce passage de votre raison logique (chanter en français) à la raison statistique (chanter en anglais). Du logique au normal. Du droit d’aînesse au plat de lentilles. Du plurilinguisme au tout anglais. De la diversité culturelle à l’Europe uniforme et monocorde, conformisme oblige. Du respect de notre idiome à sa transgression pour faire de « l’événementiel » et mieux vendre. De l’âme d’un pays, que ses chansons expriment, à l’alignement pur et simple sur le modèle californien en se coulant dans le moule disco-hip-hop pour cause de meilleures chances à l’Anglovision. Quelle audace de se rebeller contre notre langue sacrée pour mieux jouer les mutins de Panurge !

L’innovation est donc à l’œuvre. Est-il logique pour un chanteur français de chanter en français ?  L’affaire se corse, dirait Tino Rossi.

Est-il logique de chanter en français pour un chanteur français ? Quelle question ridicule, réchauffée, refermée, direz-vous, sur une petite France de rien du tout.

Il faut n’avoir jamais entendu ces femmes qui furent nos mères et les amantes de nos pères chanter « It’s a long way to Tipperary », pour ne pas comprendre la beauté de Charles d’Orléans prisonnier à Londres disant « Encore est vive la Souris ».

Extra Verse, From World War One
That's the wrong way to tickle Mary,
That's the wrong way to kiss!
Don't you know that over here, lad,
They like it best like this!
Hooray pour le Francais!
Farewell, Angleterre!
We didn't know the way to tickle Mary,
But we learned how, over there!

 

Charles d’Orléans ; emprisonné 25 années à Londres…

Si fais à toutes gens savoir
Qu'encore est vive la souris

 

Bien sûr, chanter en anglais fut un hymne de liberté pour les auditeurs français, un rythme de bonheur pour nos grands-mères, un havre de paix pour des intellectuels.

Dans d’autres temps, qui n’a chanté « O sole moi » ?  Et cette Italienne au regard bizarre qui nous disait d’une Égypte qu’il faudrait bientôt quitter « Bambino, bambino ».

 Et comment oublier ces jupes de liberté qui, à Saint-Germain des Prés, volaient derrière des trompettes nègres d’une Louisiane existentialiste qui disaient « O when the saints go marchin’ in » !

Chanter en français ? Changeons de pied, et d’histoire et de géographie. Remontons le temps. Les grands mères de nos correspondantes anglaises à Stratford-Upon-Avon ou à Reading, où l’on tentait de nous dire qu’il y avait eu là Shakespeare et Wilde et qui nous demandaient de jouer au piano les « Roses de Picardie » et qui fredonnaient toutes seules, « Heure exquise » en nous demandant si nous le préférions avec un nuage de lait.

Roses de Picardie
Dire que cet air
Nous semblait vieillot
Aujourd'hui
Il me semble nouveau …

Chanter en français ? Bonheur de la communauté française en Bosnie-Herzégovine  lorsqu’au phono, soudain, Georgette Plana chantait « E Viva Espana ». Et les autres qui disaient, malgré la décolonisation, que décidément, y avait de beaux gars à Tataouïne, mais que c’était dur à Biribi.

Chanter français, dans des terres qui ne le seront bientôt plus ? La voix plus forte que la diplomatie ? Quoi de commun entre  « Poussez, poussez l’escarpolette », roucoulé à Saïgon, où les autochtones chahutaient déjà les colons, et ce regard bleu de soldats encore fidèles, surpris en noir et blanc dans Match,chantant « Non, rien de rien, non, je ne regrette rien », croyant pour certains rendre un hommage à Marcel Cerdan dans les Aurès déjà troublés…

Edith Piaf et Marcel Cerdan

 

Chanter français ? Cette jeune marquise tudesque chantant sans accent, sinon celui qu’a la pelure aux abricots vermeils, « Ah vous dirai-je maman »  à un ambassadeur de la Cour de France et citoyen vénitien qui récitait les églogues de Tircis avant qu’il ne lui fît hommage du tribut de Nature sur une bergère Pompadour.

 

Et cette autre Marlène que l’on croyait putain avant de célébrer l’héroïne sur les pianos de Kurt Weill ?

Chanter français, parce que si c’est logique, c’est illogique de ne pas comprendre, c’est choquant de s’illogiquer. Allez, un peu de courage ! Chantez français, même en peul traduit du japonais, ne vous inquiétez pas !

Si vous passez un jour, après les armées d’Alexandre, les légions de César, les soldats de Mohamed, de Rommel, et tant d’autres aussi qu’on ne connaît pas, car c’est une des routes du monde, sur le chemin qui quitte Alexandrie pour aller vers le désert Libyque, en passant par Mersa Matrouh, il y a une boîte de nuit, qu’on pourrait imaginer à la sortie de Poitiers quand on va vers Angoulême, et là, il y avait des jeunes filles et des jeunes hommes qui chantaient français, sans bien connaître les paroles. Une fierté que ce fût en français. Plutôt que de privilégier une Méditerranée imaginaire en chantant  « Capri finito », ils susurraient ceci dans un micro crachotant : « Bidou, bidou, bidou, mon amour / Bidou, bidou, bidou, pour toujours, La Ja-Vanaise, / La la la la la lanaise, Nous nous aimions, / Le temps d’une chanson. » Ça, c’est chanter en français. Ils ne connaissaient pas la rue de Verneuil.

Chanter français ? Lili Boniche est mort. Qui sait qui il est ? À quand un hommage à France 3 ? Et pourtant  il y aura cinquante mille personnes à danser quand il dit la rue de la Poste et la baie d’Alger. Les espoirs de 40 et les désespoirs modernes. L’Histoire a passé. Mais quand il chante en français et en arabe, toi qui pries assis et moi qui prie debout, même l’arabe chante le français, et l’inverse est vrai.

Lili Boniche « légende » de la variété judéo-arabe né en 1921 à Alger et décédé le 6 mars 2008 à Paris

Chanter en français ? Oui. On peut gagner en Amérique un Oscar sans précédent parce qu’on a chanté Edith Piaf en français tout au long d’un film en français lui aussi.

Bon ; revenons à la question. Qu’un chanteur français chante en français n’a rien à voir avec les règles de la logique. Que vient-elle faire là-dedans ? Est-ce normal ? Oui, si le chanteur dans la catégorie « Français » doit représenter la France dans la catégorie « pays ». Maintenant, pour être franc, je préfère un chanteur arabe qui, du Caire ou de Nouakchott, chante l’amour en français maladroit, en commençant par « Gazelle, le jour vient de faire éclore les roses et tu m’es encore rebelle»  Mais s’il est logique de chanter en français, alors, il n’est pas illogique, de se choquer qu’on contrevienne à cette règle logique. Si deux et deux font quatre, on ne peut pas s’étrangler lorsque le professeur de mathématiques dit à celui qui pense que cela fait cinq  « Réfléchis ! à mon avis, tu t’es trompé ».
Chanter en anglais ? Si vous voulez ! Mais alors ce n’est pas une représentation de la France : question de pudeur, de dignité et d’honneur.

Dire que ce n’est pas de la polémique, juste pour être consensuelle, c’est un peu comme expliquer que les planètes s’attirent parce qu’elles ont des désirs amoureux entre elles, que la Lune fuit Mercure, parce que Mercure pue des dessous de bras, et que Newton n’a pas tort en disant qu’il y a de la pomme et de la gravitation universelle là-dessous.

Soyons sérieux ! Pas de polémique ? Si bien sûr ! Vous auriez pu taper plus fort et vous singulariser en choisissant un couple de transsexuels disco qui auraient adopté des brebis clonées.  Trop audacieux ?

Je songe à nos diplomates qui, aux quatre coins du monde, représentent la France, avec culture, respect de la mère-patrie, souci des peuples, écoute de la nouveauté et maintien de la longue histoire, et qui, peut-être, regarderont, éberlués, votre joute commerciale, dérisoire compétition en euros, pitoyable anglovision. Je songe à leurs épouses qui vérifient si le plan de table est bien conforme à ce que les hôtes de la France attendent de l’invitation de la France. Je songe au conseiller qui, dans une ville du Caucase, cherche à se faire transmettre le poème de Chénier que De Gaulle récitait en voguant sur le Bosphore. Je songe à l’attaché culturel qui décortique la syntaxe de Chateaubriand après avoir décrit l’anacoluthe de Louis-Ferdinand Céline et dit la grandeur de Racine pour en parler, le soir du « Cinéma français » au centre culturel, vous savez, cet immeuble pas très solide, rue Nébi Daniel, derrière la Corniche.

On reproche aux Français d’être cartésiens, comme l’Anglaise est rousse, et le yaourt bulgare. Tout n’est pas désespéré. Il y a encore France 3 ! La logique y est sacrée, son mépris n’est pas choquant, et la polémique interdite.

Allez, une belle histoire pour finir. Vous la direz à votre représentant qui chantera en américain des aéroports au motif qu’il ne trouve pas la cadence en français. C’est à cloche-pied. Sur les pavés, entre Pigalle et Blanche. Il faut sauter d’un pavé à droite à un pavé à gauche, sans mettre l’autre pied à terre. Si vous comptez juste, ça fait quatre sauts avant de reprendre son souffle. Mais, là-dessus, il faut chanter Na-tha-lie. Nathalie, c’est la fille du charcutier. Elle a des tresses. Tout le monde en rigole. Mais elle a des fossettes, et ça, tout le monde les regarde. Alors quand le nombre de quatre sauts correspond au nombre de Nathalie, c’est le bonheur. Si ça tombe juste quand je rentre en classe, elle m’aime.  Sinon, c’est qu’elle en aime un autre. C’est pas facile de mettre trois syllabes sur un rythme à quatre temps. Mais, c’est ça la chanson française !

Et c’est là, Madame, que votre chanson aux paroles indigentes laisse à désirer, votre raisonnement aussi. Et comme toujours, place à Molière : « Si le Roi m’avait donné Paris, sa grande ville, et qu’il m’ait demandé de quitter ma mie, je lui dirais Bon roi Henri, reprenez votre Paris, j’aime mieux ma mie, ô gué, j’aime mieux ma mie ».

Gérard Lifeld

 


 

Charles d’Orléans

Nouvelles ont couru en France
Par maints lieux que j’étais mort,
Dont avaient peu déplaisance
Aucuns qui me hayent à tort ;
Autres en ont eu déconfort,
Qui m’aiment de loyal vouloir,
Comme mes bons et vrais amis.
Si fais à toutes gens savoir
Qu’encore est vive la souris.

Je n’ai eu ni mal ni grevance
Dieu merci, mais suis sain et fort.
Et passe temps en espérance
Que paix, qui trop longuement dort,
S’éveillera et par accord
À tous fera liesse avoir.
Pour ce de Dieu soient maudits
Ceux qui sont dolents de veoir
Qu’encore est vive la souris.

Jeunesse sur moi a puissance
Mais Vieillesse fait son effort
De m’avoir en sa gouvernance.
À présent faillira son sort :
Je suis assez loin de son port,
De pleurer veuil garder mon hoir.
Loué soit Dieu de Paradis
Qui m’a donné force et pouvoir
Qu’encore est vive la souris.

Nul ne porte pour moi le noir,
On vend meilleur marché drap gris !
Or tienne chacun, pour tout voir,
Qu’encore est vive la souris.

 


 

 

Roses de Picardie

Version chanté par Yves Montand

Dire que cet air
Nous semblait vieillot
Aujourd'hui
Il me semble nouveau
Et puis surtout
C'était toi et moi
Ces deux mots
Ne vieillissent pas
... Souviens-toi
Ça parlait
De la Picardie
Et des roses
Qu'on trouve là-bas
Tous les deux
Amoureux
Nous avons dansé
Sur les roses
De ce temps-là.

 

 

Composée par Haydn Wood (1882-1959) en 1916 pour un auditoire avant tout britannique. Paroles de Frederick Edward Weatherly (1848-1929), avocat et poète anglais la chanson Roses de Picardie a eu aussitôt un succès foudroyant, au point de devenir populaire en France dès 1918.

En quelques mois, le succès est foudroyant : John Mc Cormack, Mario Lanza, Mado Robin, Mathé Altéry, Fernandel, Jack Lantier, Tino Rossi, Ray Ventura, Ernst Pike, Sidney Bechet, Frank Sinatra, The Platters, Yves Montand... plus de 300 artistes l'ont interprété dans le monde entier. La chanson a traversé les modes.

 

 

Si le roi m'avait donné
Paris sa grande ville
Et qu'il m'eût fallu quitter
L'amour de ma mie
J'aurais dit au roi Henri
Reprenez votre Paris
J'aime mieux ma mie,
Ô gué
J'aime mieux ma mie!

Or le roi n'm'a pas donné
Paris sa grande ville
Mais il m'a fallu quitter
L'amour de ma mie
Et j'ai dit au roi Henri
Laissez-moi mourir ici
J'ai perdu ma mie
Ô gué
J'ai perdu ma mie.

Dans Le Misanthrope – Acte I, scène II-

Chanson datant de 1550 environ, et qui aurait été composée par Antoine de Bourbon, père de Henry IV, au Château de Bonne-Aventure, situé près de Vendôme. Une autre tradition attribue les paroles à Ronsard lui-même ! Quant au gué dont il est question, il a donné son nom au village voisin du château, Le Gué du Loir.

 

 

Source : http://www.lesmanantsduroi.com/articles2/article71452.php

 

 

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