Sujet :

Francophonie : l'alerte au déclin

Date :

23/10/2014

De Michel Guillou (courriel : michel-guillou(chez)wanadoo.fr)

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Francophonie : l'alerte au déclin

Les Échos | Le jeudi 28 août 2014

De Michel Guillou

25e sommet de la Francophonie, à Dakar, SénégalÀ l'approche du 25e sommet de la Francophonie, en novembre à Dakar, des personnalités de tous horizons expriment leur pessimisme quant à la pérennité de la Francophonie en tant qu'espace géopolitique et de la langue française comme langue internationale, et sonnent l'alerte. C'est une rupture par rapport à l'approche officielle, selon laquelle Francophonie et langue française sont sans problème de pérennité. Enfin, on parle vrai du déclin et même du risque de mort de l'une et de l'autre.

Conséquence de la domination du monde anglo-saxon, l'avenir, pour beaucoup, c'est l' "American way of life". En avalanche, l'uniformisation et l'anglais s'installent. Un cas fait école, celui des élites françaises. Pour elles, continuer en français n'est pas une priorité, ni une volonté. La fierté de parler français, l'ambition de faire valoir ses valeurs sont abandonnées et, de même, tout nationalisme de la différence. Renonçant à la porte entrouverte, on bascule vers l'assimilation. Le bon sens est balayé. C'est ainsi que la France crée une université française au Vietnam en langue anglaise.  

La France n'a pas d'ambition francophone. Le lien francophone est en train de se distendre. Un décrochage se profile enlevant toute crédibilité à l'argument démographique qui fait état de quelque 700 millions d'Africains parlant français en 2050. Les Africains, en effet, se posent la question de la pertinence de leur choix en accusant la colonisation de leur avoir fait parler une langue qui ne leur semble plus utile. Des craquements se font entendre. Il faut se garder de l'optimisme naïf qui voit l'avenir de la francophonie lié à la démographie, et ce d'autant plus que l'usage du français recule dans les secteurs d'avenir, ce qui sème un nouveau doute. Tout est dénommé en anglais. Il s'agit d'un suicide linguistique.

Ce déclin est freiné par les acquis et la force des facteurs historiques d'attractivité. On assiste donc à une mort lente, mais qui s'accélère du fait de la mondialisation et de l'absence de puissantes politiques de résistance. S'il est possible de donner un coup d'arrêt, la relance suppose beaucoup plus.

S'il faut continuer d'accueillir ceux que le projet francophone intéresse, il faut aussi s'attacher à organiser l'alliance des pays vraiment francophones qui utilisent le français comme langue officielle, d'enseignement ou encore d'usage, car ce sont eux qui donnent consistance à l'espace francophone vrai, où l'on agit en utilisant le français. Sans ce resserrement, il ne peut y avoir de francophonie utile répondant aux besoins des parlants français, développant d'un fort sentiment d'appartenance. L'élargissement a trop pris le pas sur l'approfondissement déséquilibrant l'ensemble. Si l'on ne vit pas la même aventure, il ne peut y avoir de communauté francophone. Mais les Institutions de la francophonie apportent-elles une contribution efficace ? La prise en compte de cette question dans la préparation du sommet de Dakar orienterait le choix du prochain secrétaire général.

Quant aux programmes à mettre en œuvre dans le cadre du vivre-ensemble, beaucoup ont été identifiés. Ils concernent tous les domaines. Un secteur domine au point de devenir un préalable : l'enseignement du français et la formation des enseignants de français. Si le français s'effrite, que restera-t-il ? Mais l'écart est abyssal entre le besoin et l'offre. Cette situation ébranle le socle francophone. Il faut le réduire par un effort mutualisé et massif. Reste la question du visa francophone. Il est urgent de donner une réponse, car il ne peut y avoir d'échanges privilégiés sans facilités de circulation des étudiants, des chercheurs, des responsables d'entreprises.

Le président Abdou Diouf a fait un immense travail. Aux chefs d'État et de gouvernement de dire maintenant ce qu'ils veulent. Mais sans nouvel élan, le pire arrivera : une mort certes douce, lente, mais certaine.

 

Michel Guillou et la Francophonie

 

Michel Guillou

Michel Guillou est président du Réseau international des chaires Senghor de la francophonie

 

Pour écouter M. Guillou : http://youtu.be/nWRnDYLW4lg

 

 

 

 

 

 

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