En marge du Forum de la langue française de Québec : Je t’aime moi non plus, la langue de Patricia Kass Il est rafraichissant d’entendre Jean-Claude Amboise, un avocat passionné de chanson française, qui a participé à la table ronde sur « L’État de la chanson francophone dans le monde ».
Demandez-lui quel chanteur s’est classé au palmarès autrichien, et il vous cite Cœur de Pirate. Polonais ? Garou et Natacha Saint-Pierre. Britannique ? Céline Dion avec D’eux. « J’ai fait le tour des groupes français qui chantent en anglais depuis 1960, je suis allé voir leurs « succès », et j’ai découvert qu’aucun ne s’est jamais classé sur le "Billboard" ou les palmarès étrangers. » Cet avocat au barreau de Paris, qui représente plusieurs associations de défense du français, conclut que le fait de chanter en anglais ne garantit pas le succès, loin de là. « Quand Johnny Hallyday cartonne à Las Vegas, c’est parce qu’il nolise des vols entiers de spectateurs français. » Jean-Claude Amboise a analysé les succès des chanteurs francophones hors francophonie et il en a identifié les points communs : l’originalité de la mélodie, des refrains forts, du rythme, une voix imparable – bref, un « son ». Piaf, 49 ans après sa mort, fait encore 200 000 albums par an à l’étranger. Patricia Kaas, qui tourne dans 40 pays, est une habituée des palmarès russe, allemand et ukrainien. Cet enjeu est crucial puisque la chanson a un effet multiplicateur immédiat sur la demande de français.
Bref, la langue de Molière est vraiment « la langue de Patricia Kaas ». Alors, voici le paradoxe : la chanson francophone s’exporte plutôt bien, mais en France, c’est Je t’aime, moi non plus. « Le miroir aux alouettes étatsunien est très fort. Depuis 5 ans, c’est l’éblouissement. » Le "show bizness" français fantasme sur le succès « global » et l’américanité. « Mais comment voulez-vous faire une concurrence directe à Madonna ou Lady Gaga ? Le public, américain ou étranger, ressent tout de suite la fausseté de la démarche, la médiocrité de la copie et la pauvreté des textes. » « Aucun chanteur français qui chante en anglais n’a de succès. Ils ne figurent sur aucun palmarès – ni en France, ni aux É-U-A », martèle Jean-Claude Amboise. Certains prétendent que le français se met mal en musique. « C’est drôle, les Russes apprécient justement la musicalité de la langue française et même aux États-Unis, le public réclame une chanson française pour chaque spectacle de Céline Dion. » Il y a donc du potentiel inutilisé. Pour faire valoir son point de vue, Jean-Claude Amboise cite deux cas récents. Le chanteur libano-anglais Mika a figuré dix semaines en tête du palmarès français avec « Elle me dit », mais personne n’entreprend de le diffuser à l’étranger. De même pour Shakira, qui a fait un tabac en francophonie en reprenant « Je l’aime à mourir » de Francis Cabrel, et qui n’est pas commercialisée ailleurs. « En France, les succès de la chanson francophone hors francophonie sont ignorés, et on surévalue au maximum ceux qui chantent en anglais.» Jean-Benoît Nadeau
Source : forumfrancophonie2012.org, le jeudi 5 juillet 2012
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