Sujet :

L'économie, le politique, le culturel ...

Date :

12/09/2003

De René Ballaguy (kialni@wanadoo.fr)


 

Jean-Pierre Gaillet (jp.gaillet@wanadoo.fr) écrit :

 

« Socialisme ou barbarie ». Une revue portait ce titre. Peut être existe-t-elle encore. Ce choix reprenait les termes d’une alternative couramment exprimée dans le mouvement ouvrier : ou le socialisme triomphait, ou le capitalisme conduirait l’humanité à un épouvantable retour en arrière.

Il me semble que l’histoire a tranché et que malheureusement l’alternative n’a plus cours. Manifestement le socialisme n’a pas triomphé et la barbarie domine le monde. Barbarie qui laisse des millions d’hommes mourir de faim ou du sida.

Barbarie évidente des guerres en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Afrique.

Barbarie quotidienne et universelle du chômage et des délocalisations.

Et la question n’est plus « comment faire pour que le socialisme triomphe ? »  Mais « comment sortir de cette barbarie ? »

« Empire », « Gouvernance mondiale », « néolibéralisme », « turbo capitalisme », certains ont tenté de donner un nom à cette phase particulière du capitalisme et peut-être qu’en effet le stade suprême du capitalisme étant dépassé, le terme d’impérialisme n’est plus suffisant .

Quoi qu’il en soit, il est important de préciser en quoi le capitalisme du vingt et unième siècle est original.

La plus importante modification concerne la place centrale prise par le capital financier et la bourse : l’élément déterminant de l’état du système économique n’est pas ou plus, l’adaptation de l’offre à la demande. Les crises du système capitalistes ne peuvent plus s’analyser comme de simples crises de surproduction, la bourse ne se contente plus d’enregistrer l’état du système économique, elle devient le déclencheur des crises comme on a pu le constater dans les crises du marché asiatique ou de la « nouvelle économie ».

 Le système boursier est dominé par d’énormes investisseurs tels les fonds de pension américains qui, pour survivre, doivent impérativement augmenter chaque année leur valeur.

La bourse était un moyen pour les entreprises de trouver du capital. Ce capital permettait de produire des marchandises vendues sur le marché. Cette vente produisait du profit.
 Aujourd’hui la bourse est elle-même un marché et les entreprises des marchandises dont la vente permet d’importants profits. Ce qui rapporte le plus, ce ne sont plus les dividendes versés pour chaque action mais la vente de ces actions à la hausse.

Pour éviter les prises de participations sauvages, les entreprises rachètent leurs propre actions et le flux financier s'est inversé.

La vente de marchandise à court comme à long terme n’est plus le facteur déterminant de la valeur des actions des entreprises les plus importantes. La rentabilité immédiate prime la rentabilité à long terme et cette rentabilité passe par l’augmentation de la taille des entreprises par une série d’acquisition.

La recherche de bénéfice à court terme aveugle toute rentabilité à long terme. Les entreprises de la « nouvelle économie » dont la valeur boursière a enflé comme une baudruche sans qu’elles n’aient jamais rien produit d’autre que des dettes sont l’image caricaturale de cette folie économique.

Parmi les entreprises les plus importantes par leur poids économique, on trouve de plus en plus de sociétés qui sont avant tout des marques. Elles arrivent ainsi à dégager du profit en vendant non plus un simple produit, mais ce produit accompagnée d’une image que le consommateur accepte de valoriser à coup de matraquage publicitaire.

Le même produit, fabriqué dans la même entreprise est vendu à des prix variant aisément du simple au double selon la marque qui l’habille. Le coût de production devient un élément mineur du prix final de certains produits.

Les firmes pharmaceutiques dépensent plus en publicité qu’en recherche et développement.

Microsoft, pour ses produits de base annonce une marge bénéficiaire de 85% !

Une partie de la différence extraordinaire entre ces deux coûts repose sur un service ajouté : transport distribution, mais une part toujours plus importante correspond à des charges socialement inutiles : intermédiaires surabondants ou superflus, publicité ,dividende des actionnaires et revenus exorbitants des membres des conseils d’administration. C’est parmi ces couches sociales parasitaires que le système trouve ses plus ardents défenseurs.

Le système repose sur d’énormes mensonges : la consommation de masse suppose l’adhésion à un produit ou une marque au détriment de ses concurrents. La différence n’est pas dans la qualité du produit mais dans l’image qu’elle véhicule. Cette image est le fruit du matraquage publicitaire. On dépense parfois plus pour persuader le consommateur d’acheter que pour produire la marchandise. La publicité repose de moins en moins sur l’information du client et de plus en plus sur le paraître. Mensonges enrobés de belles couleurs, mensonges distrayants, mensonges pour faire rêver.
Mensonge pour travestir la réalité. Nouvel opium du peuple dont les admirateurs font une religion.

Le pouvoir économique repose de moins en moins sur une classe : la bourgeoisie, mais de plus en plus sur une caste : celle des membres des conseils d’administration des grandes sociétés.

 À suivre...


René Ballaguy (kialni@wanadoo.fr) répond :

 

Comment qualifier le système qui nous est imposé ?

Totalitaire, fasciste, dictature ?

Du reste le qualificatif importe peu : la valeur de l'arbre se juge à ses fruits !

JP Gaillet décrit très bien les mutations des différents plans : économiques, politiques, culturels etc., mutations qui doucement enchaînent et asservissent avec le plus souvent l'accord, pire la collaboration de nos soi-disant élites ! à ce sujet revoir « De la servitude volontaire » ( La Boëtie ) ou bien plus près de notre époque ; « Mise en place des monopoles du savoir » (Durand à l'Harmattan) ou du même ; « La nouvelle guerre contre l'intelligence ».

Mais encore plus subtile, plus efficace aussi, notre asservissement se fait à l'intérieur de nous-mêmes par le changement de notre manière de penser et pour ce faire par le changement de notre manière de parler (les recruteurs de la Scientologie - d'origine états-unienne, tiens ! - ont exactement les mêmes méthodes). Comme les Noirs américains au temps de l'apartheid, nous nous croyons inférieurs et agissons comme tels : pour singer nos maîtres, et ainsi essayer de grappiller un peu de leur aura nous méprisons notre langue maternelle, appauvrissant ainsi notre culture nos communications et même nos possibilités de recherche sur le plan scientifique (cf Durand). Les exemples fourmillent depuis Air France qui a essayé d'imposer l'anglo-américain à des équipages composés uniquement de français (!),  jusqu'à l'École Nationale Supérieure du Paysage et l'Institut national de recherches agronomiques (Versailles) qui projettent une rencontre franco-italienne avec l'université de MILANO : et la SEULE langue de travail sera……l'anglais !

L'adoption d'une LANGUE UNIQUE (ce vers quoi on se dirige en toute inconscience) imposée, directement ou indirectement, valorise sans raison une nation, impose une culture au détriment des autres, est source de conflits durables, divise nos sociétés entre ceux qui maîtrisent bien la communication et les individus d’ «en-bas» ainsi infériorisés.

Il nous faut une LANGUE COMMUNE, proposée à tous les européens, Indépendante, non soumise à des intérêts politiques, NON INSTRUMENTALISÉE par des intérêts économiques ou religieux, accessible à tous.

Cette langue existe déjà, fonctionne très bien depuis plus de cent ans, dans tous les pays de l’Europe.

Je dois préciser que je n'ai rien contre l'anglais en lui-même ; je m'insurge seulement contre son utilisation comme vecteur de la mise en place d'une hégémonie destructrice non seulement des langues et des cultures, mais aussi des identités (dont les différences sont une des richesses de l'Europe). Je m'insurge aussi contre l'apathie et l'inconscience de mes contemporains : la menace n'est pas que Macdo ou Disneyland… la menace est dans nos têtes. Commençons par le commencement et Luc a bien raison de rechercher des moyens pratiques de résister. J'en connais un, et efficace, qui non seulement permet de résister, mais aussi de reprendre le terrain perdu : les intéressés peuvent prendre contact avec ATTAC 95 ou bien kialni@wanadoo.fr

 



Luc Douillard (luc.douillard@libertysurf.fr) répond :


 Très intéressant. Merci pour ce texte. Il est certain que le capitalisme du XIXe (et de la principale partie du XXe siècle) a désormais radicalement muté : il était libéral. Il est devenu foncièrement antilibéral :

- socialement : féodal (donc antilibéral),

- économiquement : monopoliste à tendance financière (donc antilibéral),

- politiquement : pré-totalitaire (donc antilibéral),

- culturellement : pseudo-libéral (mais c'est un habillage idéologique, destiné à tromper la résistance, habillage idéologique tellement simpliste qu'il ferait rire Karl Marx et quelques autres, s'ils revenaient.)

Contre ce nouveau fascisme économique, il faut résister, si possible non pas romantiquement, mais pratiquement, et surtout pas avec les outils intellectuels obsolètes qui nous divisent et nous mettent toujours en retard d'une guerre.

En guerre sociale non-violente antifasciste, toute résistance est forcément graduelle, en attendant la libération. Et toute résistance est valable, même minime, à condition de ne pas pactiser ou différer.

Parmi les résistances graduelles irrécupérables, il y a des revendications transitoires comme la reprise de contrôle de la sphère financière (avec des taxes de type Tobin et la prohibition internationale des paradis fiscaux), il y a aussi la revendication antiraciste d'un smic mondial, etc., mais le nouveau clergé gauchiste a décidé de discréditer à la base ces idées, avant même qu'elles deviennent dangereuses pour les castes dirigeantes. C'est ainsi ce que vit ATTAC et beaucoup d'autres.

Mais on peut encore esquiver les prêtres idéologiques, et avancer ensemble.