Avant-propos de M. Jean-Loup Cuisiniez :

 

 

Le combat pour le respect de la langue a commencé en  1996 par une  banale revendication 

auprès du service informatique :
mettre l'abréviation  française M. pour Monsieur  au lieu de l'anglo-saxonne MR pour Mister.
   C'était une simple demande  de respect  de l'usage des abréviations françaises...
Ce n'est que beaucoup plus tard que je devais réaliser son importance.
Se  battre pour une abréviation  peut paraître ridicule.
  Cette abréviation M.  contient un secret que je voudrais faire partager.  
Cette13ème lettre de l'alphabet rappelle à l'Homme
 sa vocation première celle d'aimer. Aime.
  Se battre pour le respect et la survie de la langue française, support d'une pensée
 C'est contribuer dans la mesure de ses forces au vrai développement durable
de l'humanité : la Civilisation de l'Amour.


 

 

 

De :

  M. Jean-loup Cuisiniez

  Délégué CFTC

  Délégué du personnel AXA assistance

 

 

 

 

À :  Monsieur Alain Belais

       Ministère de la Coopération 

       et de la Francophonie



     Bonjour,

 

Vous souhaitez rencontrer quelques salariés de notre entreprise, suite à l’article paru dans le mensuel l’Expansion intitulé «Au secours ma boîte ne parle plus français»

Axa assistance, 600 salariés, particularité du métier : travailler 24h /24h. Richesse de l’entreprise : une diversité culturelle et linguistique. Tous les continents y sont représentés. Nous travaillons avec le monde entier.

C’est en France que le métier de l’assistance est né, ce métier avait une langue de travail : le français. Or, peu à peu dans les entreprises, le français disparaît comme langue de travail. La mise en place des logiciels informatiques a accéléré le processus de son effacement, insidieux : au départ il ne s’agit que de quelques termes… pas de réaction, pas d’opposition syndicale, ni de prise de conscience des enjeux.

En 1996, lors de la mise en place de l’outil informatique, la CFTC est intervenue immédiatement pour avoir l’abréviation française M. au lieu de MR ( abréviation anglaise).

Lorsque la Direction en 1999 a pris la décision d’installer le logiciel de messagerie pour tous les salariés, personne ne se doutait qu’il serait en anglais.

La seule protestation fut la nôtre, nous étions deux personnes à l’époque, mais qui à elles seules sur un plan linguistique maîtrisent sept langues étrangères.

Nous avons fait appel à deux textes légaux : l’ordonnance de Villers-Cotterêts et la loi Toubon et avons sollicité les conseils de l’association «Le Droit de comprendre».

Nous avons surtout argumenté auprès de la Direction et de nos collègues les enjeux économiques, culturels que devait impliquer l’anglicisation des outils de travail, puis des esprits et des consciences. Petit à petit, nous avons eu des témoignages des salariés qui souhaitaient avoir le logiciel en français, mais qui n’osaient pas le dire.

Lors des réunions avec la Direction, nous demandions en quelle langue la réunion allait se tenir avant même de nous asseoir, refusant ainsi le fait accompli.

En effet la CFTC proposait de s’exprimer en allemand pour cette réunion, en portugais pour la suivante, en grec, ou bien en espagnol, afin de montrer que la Direction avait une politique réductrice ne proposant que l’anglais comme unique langue de travail.

Cependant 6 mois plus tard, la Direction prenait la décision de tout rétablir en français.

Ce fut une prise de conscience.

Depuis 1999, les logiciels sont donc en français, Pour combien de temps ?

Certes nous avions gagné sur la langue de travail, mais d’autres combats étaient à venir : par exemple, celui de la structure de la phrase qui était elle même anglaise : inversion de l’ordre des mots, le sujet devient objet. Était-ce sans importance ?

Cela déstructurait la pensée, le français n’étant pas une langue à inversion.

C’était aussi une fatigue mentale supplémentaire, imperceptible.

Nous avons obtenu gain de cause, mais il a fallu encore se battre.

Lors d’une réunion au sein du groupe AXA, le Président a interpellé le délégué syndical CFTC en le traitant de franchouillard parce qu’il demandait que les comptes rendus de réunion soient en français.

Nous lui avons répondu par affichage que nous étions aussi des «italouillards, des hispanouillards, sénégaloulliards, des deutschouillards et des anglouillards».

Toujours est-il que nous constatons la disparition du français dans le monde du travail.

Négligence, culpabilité de s’exprimer en français, lâcheté, absence de réflexion, honte …

Où sont ils, ceux qui devraient soutenir l’espace francophone ?

Qui se souvient que la première fonction donnée par Dieu à l’homme est celle de nommer ?

Que deviennent ceux qui ne savent plus nommer les choses dans leur langue ?

Défendre l’espace francophone, c’est préserver des emplois pour les francophones et la place de la civilisation française dans le contexte de la mondialisation.

Aujourd’hui ce mercredi 7 janvier 2004, le Ministère de la Francophonie a souhaité nous rencontrer …

Dans l’attente de cette rencontre, recevez, Monsieur, l’expression de nos salutations syndicales.

 

 

Jean-loup Cuisiniez

Délégué du personnel CFTC