De :

  M. Albert Salon

  Salon Albert

 

 

AU :  D.G.L.F.
          Monsieur Xavier NORTH,
          Délégué général
          6, rue des Pyramides
          75001 Paris

                                                 Le jeudi, 14 juillet 2005

 

objet : la  Comédie française sous-titrée en anglais !

 

 

Monsieur l' Administrateur général,

 

Il nous revient que, dans la première moitié de ce mois de juillet, la Comédie française a présenté des pièces de Molière, dans une mise en scène de Jean-Marc Villégier, avec une bande passante portant une traduction en langue anglaise.

Vous auriez dit que si cette expérience se révélait concluante, elle pourrait être étendue à la plupart de vos spectacles.

Nos membres ressentent naturellement - à tort, direz-vous peut-être - un malaise à l'idée que la langue de Molière ne suffise plus dans sa « Maison ». Il nous est difficile de nous en défendre.

Si la logique de « l'adresse au monde entier » était poussée jusqu'au bout, on pourrait très bien arriver à une présentation de notre répertoire directement en anglais dans nos « théâtres nationaux ».

Peut-être souhaitez-vous attirer une clientèle riche plus nombreuse, alors même qu'il nous semblait que vous faisiez généralement salles combles et n'aviez guère de places disponibles, même pour des gens à faibles ressources ou des élèves des lycées ou « jeunes » divers ?

Cependant, plutôt que de donner libre cours à nos complaintes et déplorations de l'air du temps et du défaitisme de nos élites, nous préférons vous soumettre des propositions qui nous paraissent faire une part du feu raisonnable :

1) Puisque l'anglais littéraire n'est pas mieux compris de la grande majorité - qui n'est pas de langue maternelle anglo-américaine - des spectateurs actuels et potentiels (voyez les statistiques des entrées de touristes...), nous vous suggérons d'étudier et d'appliquer une formule plus équitable. Une formule plurilingue.

Non pas sans doute sur la même bande passante, ce qui serait peu praticable, mais en alternant plusieurs langues de traduction, soit en fonction des jours ou séances d'un même spectacle, soit en fonction des divers spectacles. Et vous annonceriez les langues de traduction dans vos programmes, ce qui prouverait votre magnanimité et votre grand respect de vos publics et du plurilinguisme.

2) Vous pourriez prendre l'initiative de traiter ce sujet avec les principaux théâtres nationaux, voire privés, français, (et pourquoi pas belges, suisses francophones et québécois ?...) pour répartir entre vous les langues principales de traduction.

3) Vous pourriez prendre l'initiative de contacts et de négociations avec de grandes scènes étrangères, anglaises, russes, allemandes, italiennes, espagnoles, polonaises, ...pour étudier avec elles des mesures de réciprocité. Vous feriez ainsi œuvre utile pour la présence de notre langue au dehors. Votre magnanimité, les Français ayant tiré les premiers, serait peut-être imitée. Avec un peu de persuasion...

Nos associations auraient alors non plus à déplorer un unilatéralisme de défaite, mais à vanter une politique intelligente de rayonnement, au service de la culture universelle, fidèle à ...Molière !

Vous devinez déjà que votre réponse à cette lettre sera accueillie avec le plus grand intérêt dans nos associations et bien au-delà.

Dans cette attente, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur l'Administrateur général, l'expression de notre dévotion à Molière, donc à vous.  

 

Albert Salon,

docteur d'Etat ès lettres,

ancien Ambassadeur,

Président d' « Avenir de la langue française ».