M. Hubert Joly, Secrétaire général du Conseil

international de la langue française,

écrit au président Hollande et à la ministre Fioraso,

contre l'article 2 de la loi sur les universités

 

  Mai 2013

Conseil international de la langue française

11 rue de Navarin

75009 Paris

 

Monsieur François HOLLANDE

Président de la République

Palais de l’Élysée

 

 

 

 

Monsieur le Président de la République,

 

Devrai-je vous appeler un jour "Mister Nederland" ?

Car tel est bien le sens profond de l’article 2 scélérat du projet de loi de Mme Geneviève Fioraso. Car comment voudrez-vous être compris des étudiants étrangers si vous n’êtes pas vous même transformé en "globish" ?

Imaginez vous une seconde que le général de Gaulle ou M. François Mitterrand auraient, un instant, toléré que l’on abaisse le niveau du français en acceptant que des pans de la science nous échappent dans l’espoir fallacieux d’attirer quelques milliers d’étudiants étrangers, alors que dans le même temps, on fait un tort certain à des centaines de mille d’étudiants français et à des millions d’étudiants francophones. Voilà la réalité. La France et la francophonie, l’alliance de ces deux termes n’aurait-elle aucun sens pour vous ?

J’ai dit projet scélérat et j’ajoute, insensé.

Des universitaires sont-ils capables de comprendre que dans notre monde globalisé, la langue est consubstantiellement liée à la science, à la technique, à la culture et, bien entendu, à la politique ? C’est  comme la loi du tonneau. Il suffit d’abaisser le niveau d’une douelle pour que la totalité du vin s’écoule par la brèche.

Et c’est une ânerie de prétendre que ces cours (en petit nombre puisque c’est ce qu’assure la ministre) dispensés dans nos universités en anglais (et quel anglais ?) amélioreraient le niveau d’anglais de nos étudiants. À dire vrai, le problème est un problème de motivation et de pédagogie.

Si le français manque « d’attractivité » comme l’affirme Mme Fioraso, c’est tout simplement parce que depuis des lustres, comme dans tous les domaines, les Français n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour dynamiser leurs entreprises, leur culture, leur stature politique. Nous en payons aujourd’hui le prix et vous avez la magnifique tâche de redresser la barre.

Baisser les bras est une occupation favorite de nos flagellants. J’en sais quelque chose dans mes rapports quotidiens avec nos mandarins universitaires et nos distingués conseillers culturels qui sont incapables de répondre aux courriers et même aux courriels qu’on leur adresse. Oh ! Tout cela n’est pas nouveau. Il existe une loi, la loi de JOLY, selon laquelle chaque fois qu’un ministre fait un discours sur la francophonie, on peut être sûr que les crédits seront réduits de 5% le lendemain. Et depuis 45 ans, j’observe le même phénomène pour la recherche scientifique.

Le combat que nous menons sur la langue est le même que celui que nous voulons mener dans les autres domaines. Il nous faudra peut-être bientôt un Ministre du redressement linguistique tellement nous sommes tombés bas par notre lâcheté. 

C’est pourquoi je vous demande instamment de faire retirer les dispositions linguistiques de l’article 2 de la loi Fioraso.

Croyez que je soutiens tous les efforts que fait votre gouvernement pour redresser notre pays et, gaullien, j’y souscris de toutes mes modestes forces. Mais au moins, ne nous tirons pas une balle dans le pied chaque fois que nous en avons l’occasion

Il y a dans le projet de la ministre un terrible manque de confiance en notre pays, un acte d’autoflagellation. Pourquoi enrichir le système linguistique de l’anglais qui nous est directement concurrent ? Peut-on comprendre qu’il est aussi une provocation à l’endroit de tous nos amis du monde qui nous font l’honneur d’apprendre ou de conserver notre langue ?

Alors, soyons cohérents et n’ayons pas peur de faire la promotion de nos intérêts dans tous les domaines. Parlons anglais avec les anglophones. Avec les autres, parlons, si nous pouvons, leurs langues et essayons d’instiller le maximum de français ou de multilinguisme dans nos relations. Mais de grâce, ce serait vraiment trop absurde de se jeter aux pieds de concurrents qui ne nous ont jamais fait de cadeaux…

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, les assurances de ma respectueuse considération.

 

Hubert JOLY,

Secrétaire général

 

 

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  Mai 2013

Conseil international de la langue française

11 rue de Navarin

75009 Paris

 

Madame Geneviève Fioraso

Ministre de l’enseignement Supérieur

et de la Recherche

1 rue Descartes

75231 Paris cedex 05

 

 

Madame la Ministre,

 

L’article 2 de votre projet de loi sur les universités a soulevé l’indignation de nombreux francophones de tous les bords politiques.

J’ai travaillé naguère à la Délégation générale à la recherche scientifique dans le service des relations internationales et je sais de quoi je parle en matière de langue et de science.

Vous faites preuve d’une impudence intolérable en osant prétendre que vous allez renforcer une soi-disant « attractivité »  de notre pays en prônant des enseignements en langue anglaise dans nos universités. Alors que l’objet de votre loi scélérate est tout le contraire. Le général de Gaulle et M. Mitterrand se faisaient une tout autre idée de la grandeur de la France… Jamais ils n’auraient toléré un tel abaissement, le tout pour satisfaire quelques mandarins et attraper quelques milliers d’étudiants étrangers.

À qui ferez-vous croire que s’ils viennent étudier les sciences dans nos universités, ils ne sont pas capables d’apprendre aussi le français ? Ou alors, ce sont des minables dont nous n’avons pas besoin.

Certes ce n’est pas d’hier que la droite a commencé le démantèlement de la loi Toubon et des arrêtés de terminologie. Mais, vous, vous ajoutez l’odieux à la stupidité.

Vous ignorez qu’une politique est globale et qu’on ne doit pas faire de discrimination entre la science, la technique et la culture. Tout est politique. Une politique c’est une pensée au service d’une action. Vous n’avez ni l’une ni l’autre. Vos seules mamelles sont la lâcheté et l’aveuglement.

Et au moment où vous voulez rallier un quarteron d’étudiants étrangers qui ne demandaient rien, vous allez nuire aux étudiants français qui ont, comme contribuables, un droit imprescriptible à être enseignés en français. Et pire encore, en soutenant ce projet vous portez un tort énorme à tous les étudiants francophones du monde – eux, ils sont plusieurs millions  en les soumettant à une double peine : à partir de leurs langues nationales et régionales, ils font l’effort ( et nous font l’honneur) de parler notre langue et vous allez les condamner à apprendre l’anglais, langue de gens qui n’ont jamais cessé de saper nos efforts de construction de l’Europe.

Je vous demande donc, avec la plus grande véhémence, de retirer votre article 2.

Mon exigence est gravissime. Je vous tiendrai pour responsable personnellement du sort qui sera fait à  cet article et je vous promets de tout faire auprès de vos électeurs pour dénoncer l’aveuglement de ce projet. Ne doutez pas de notre combativité.

Étant lorrain, je ne suis pas accoutumé à pardonner les offenses et je considère que celle que vous faites à la langue française est criminellement stupide.

Pour couronner le tout, je vous adresse la décision du tribunal de Milan qui condamne l’université pour des faits aussi choquants que ceux que je dénonce ici. Nous vous traînerons donc devant les tribunaux et devant le Conseil constitutionnel en nous appuyant sur la jurisprudence de l’Italie, pays qui ne nous a pourtant pas donné toujours l’exemple d’une fermeté linguistique à toute épreuve. Sachez que je me bats depuis 45 ans pour la défense de notre langue et que je ne laisserai pas passer les manquements que je condamne.

 

Hubert JOLY,

Secrétaire général

 

 

 

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