"L'objectif de l'UCL est d'atteindre 20% de cours en anglais"
Jeudi
passé, la Fondation universitaire organisait un colloque sur la
légitimité du passage à l’anglais comme langue de l’enseignement
supérieur en Belgique. Vous dirigiez les débats. La question doit-elle
être mise à l’agenda ?
Faudrait-il aller plus
loin ?
Ce passage se recommande-til plus dans certaines sections ou à
certains niveaux ?
«Pour beaucoup de maîtrises et doctorats, le passage à l’anglais sera une question de vie ou de mort »
coïncidence entre langue d’enseignement et langue du matériau écrit utilisé. Or, dans les domaines scientifiques, 97% des articles publiés dans le monde le sont en anglais. Un enseignement avancé se fait dès lors plus commodément en anglais, sans compter qu’il importe d’aider les futurs chercheurs à acquérir la capacité de s’adresser aisément, oralement et par écrit, à la communauté internationale. Au niveau des futurs baccalauréats, en revanche, et peut-être à un niveau plus avancé dans les quelques domaines du savoir les moins internationalisés, cette considération pèse bien moins lourd. L’importance, affirmée depuis le XVIIIe siècle, d’un ancrage solide des universités dans la communauté nationale (ou régionale) où elles sont situées, justifie que l’on défende vigoureusement l’usage des langues vernaculaires à ce niveau.
À
la suite du processus de Bologne, doit-on s’attendre que les
universités européennes se fassent concurrence, notamment en
proposant plus de programmes de cours en anglais ?
Adopter l’anglais, n’est-ce pas mettre nos élites sous la dépendance politique, économique et culturelle des États-Unis? Prenez un échantillon
aléatoire de
citoyens européens âgés de 15 à 40 ans. Les données traitées dans
une étude récente de Victor Ginsburgh (ULB) permettent de dire que 33
sur 100 vous comprendront si vous parlez allemand, 37 sur 100 si
vous parlez français et 63 sur 100 si vous parlez anglais. L’écart
entre le français et l’anglais s’accroît encore si l’on inclut
les nouveaux pays membres et à mesure que l’on se concentre sur des
tranches plus jeunes. Si l’on veut peser sur le cours des choses en
Europe et dans le monde, il est impératif de pouvoir user d’une
langue que les gens, en particulier les plus jeunes, soient nombreux à
comprendre, tout spécialement s’il s’agit de dire ce qui est trop
peu dit dans cette langue. Et ce n’est hélas aussi qu’en organisant enseignement avancé et
recherche dans cette langue que l’on
peut espérer enrayer l’hégémonie scientifique et idéologique
croissante des universités et centres de recherche anglosaxons. À se
crisper sur des combats d’arrière-garde, on s’assure de perdre
les batailles du futur.
Propos recueillis par
Source : Le Soir, journal du jeudi 23 octobre 2003
M. Germain Pirlot, d'Ostende (Belgique), répond à cet article. Pour lire son analyse, cliquez ici.
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