Objectif : 20% de cours en anglais Dans un récent forum, le prof. Philippe Van Parijs (UCL) déclare que « l'objectif de l'UCL est d'atteindre 20% de cours en anglais » ( Le Soir, 23.10.03, p.17)... sans doute dans un premier temps, avant de passer à 100% à moyen terme ! Je ne nie nullement l'importance actuelle de l'anglais - ce serait inepte -, mais l'on doit reconnaître que cette imposition du « tout anglais » n'est pas innocente. C'est en fait la concrétisation d'une stratégie élaborée lors d'une conférence anglo-américaine qui s'est tenue en 1961, et dont l'on peut trouver les termes du « rapport confidentiel » publié dans "Linguistic Imperialism" (Oxford University Press) , ouvrage de Robert Phillipson ( professeur anglais, maître de conférences en anglais et en pédagogie des langues, enseignant à l'Université de Roskilde (Danemark). Il s'agissait de définir une stratégie de l'expansion de la langue anglaise, dans le but avoué de servir leur économie et leur politique, en faisant adopter à tous leur vision du monde ! Robert Phillipson souligne page 168 l'argument développé par Richards : « L'anglais doit devenir la langue dominante remplaçant les autres langues et leurs visions du monde : chronologiquement, la langue maternelle sera étudiée la première, mais l'anglais est la langue qui, par la vertu de son emploi et de ses fonctions deviendra la langue fondamentale » (ou prioritaire ?). Robert Phillipson ajoute que ce rapport fut « écrit pour l'usage interne du British Council et, qu'en conséquence, son contenu diffère de celui des textes équivalents destinés à être publiés pour le grand public ». Il en dit long sur le contenu de l'idéologie dominante et sur ce qui se cache derrière la rhétorique de compréhension internationale proclamée à l'extérieur. Selon Richards (1961), « un Ministre de l'Éducation peut ne pas être un bon juge des intérêts de son pays et il convient de lui rappeler que l'anglais est le véhicule de tout ce qui a été pensé et senti au cours des siècles , comme il est la clé de l'avenir prodigieux qui nous attend. Si les pays non-anglophones peuvent décider eux-mêmes de leur politique, ils ont néanmoins besoin d'être guidés fermement afin qu'ils puissent apprécier ce qui est bon pour eux. En conséquence si les Ministres de l'Éducation manquent de reconnaître cette vérité, parce qu'ils sont aveuglés par leur nationalisme, c'est le devoir des représentants du noyau des anglophones de passer outre » (page 167). Cette stratégie de l'imposition de l'impérialisme culturo-linguistique a été aussi confirmée par David Rothkopf, directeur général du Cabinet de consultants Kissinger Associates : « Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais » (Le Monde Diplomatique, aout 1998). Par ailleurs, citant une étude de Victor Ginsburgh (ULB), le prof. Van Parijs déclare que, parmi les Européens âgés de 15 à 40 ans, 33% comprennent l'allemand, 37% le français et 63% l'anglais.
Or, selon deux enquêtes réalisées voici une douzaine d'années
par des Anglais, seulement 6 (six)% des non anglophones de l’Union
Européenne seraient capables de comprendre correctement
l’anglais [U.Van de Sandt, « Acces : an Exclusive
Study of Limitas Worldwide », Initiative (Limitas
Worldwide Media News Bulletin), jan. 1989, pp.1-2]. Plus faible
encore serait le pourcentage de ces personnes capables d’utiliser
correctement cette langue [M.Fettes, « Europe’s
Babylon : Towards a Single European Language ? »
History of European Ideas,
London, 1991, vol.13, n°3, pp. 201-207]. Selon enquête plus récente, toujours réalisée par des Anglais en 2001, les résultats sont loin, très loin de ceux avancés par V.Ginsburg (voyez sur le site : http://www.theatlantic.com/issues/2000/11/wallraff.htm), la maîtrise de l'anglais dans ces pays serait plutôt un mythe.
Germain PIRLOT
|
||||||