Espagne

Le castillan « menacé » par les langues régionales ?

Par LEXPRESS.fr

 

Avant que les sénateurs et l'Académie française ne s'y opposent, il était question que la reconnaissance des langues régionales soit inscrite dans la Constitution. En Espagne, le mouvement est inverse : un manifeste circule, soutenu par des intellectuels et écrivains, afin de défendre la langue castillane... jusque dans la Constitution espagnole.

Les langues régionales sont aussi d'actualité au sud des Pyrénées... Un « manifeste pour la langue commune », sous-entendu le castillan, a été publié mardi dans la presse espagnole. Alors qu'en France, les députés souhaitaient inscrire la reconnaissance du breton ou du corse dans la Constitution, intellectuels et écrivains hispanophones demandent que le caractère « officiel » du castillan et le fait qu'il est « commun » à tous les Espagnols figure dans la Constitution espagnole.

Le castillan, plus souvent désigné comme « l'espagnol », est certes parlé par quelque 480 millions de personnes dans le monde, ce qui lui donne un poids non négligeable sur la scène internationale. Mais le souci n'est pas là.

« Notre langue jouit d'une vigueur enviable et croissante dans le monde entier », reconnaît le manifeste appuyé notamment par l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, l'écrivain espagnol Miguel Delibes, ou le philosophe Fernando Savater. « Notre inquiétude est strictement politique » et ne concerne que le territoire espagnol.

REUTERS/Susana Vera

Le drapeau rouge et or de l'Espagne.

 

Les signataires du manifeste s'inquiètent de la « menace » croissante que constituent le catalan, le basque ou le galicien pour la langue de Cervantes. Ces trois langues sont devenues des langues co-officielles, au même titre que le castillan, dans leurs communautés autonomes respectives.

« Depuis quelques années, il y a de plus en plus de raisons d'être préoccupés dans notre pays par la situation institutionnelle de la langueacastillanea», bien qu'elle soit  « l'unique langue commune à tous les citoyens espagnols », selon le manifeste.

De nombreux Espagnols se montrent inquiets par l'avancée des langues régionales qui se fait selon eux au détriment du castillan, en particulier dans le système éducatif, géré par les gouvernements autonomes.  

Un manifeste « xénophobe » et « hypocrite »?

La polémique, toujours latente en Espagne, a ressurgit après les critiques du président de la compagnie Air Berlin, Joachim Hunold. Le gouvernement des îles Baléares lui a envoyé une lettre dans laquelle il réclamait l'usage du catalan sur les vols de la compagnie à destination ou au départ des îles, très prisées par les Allemands. « Mes employés vont être obligés d'apprendre le catalan ? Et ceux qui s'occupent des vols vers le Galice et le Pays Basque devront se mettre au galicien et au basque... Mais est-ce que plus personne ne parle espagnol dans ce pays ? » s'était-il étonné.

« Une chose est d'encourager la connaissance des langues régionales et une autre est de les imposer au détriment de la langue commune », le castillan, a déclaré Savater, à l'origine du manifeste. Le texte met en garde contre la « discrimination ou la marginalisation à l'égard de ceux qui parlent seulement castillan » dans ces provinces.

Les signataires veulent donc que le parlement espagnol établisse clairement le droit de tous à pouvoir étudier en castillan, à pouvoir s'exprimer en castillan dans n'importe quelle administration locale et que les panneaux ou documents officiels ne soient en aucun cas formulées dans les seules langues régionales.

Les défenseurs de langues régionales dénoncent quant à eux cette démarche.

Carlos Callon, président d'une instance de défense du galicien (la Mesa pola Normalización Lingüística gallega), a estimé que « personne ne parlant que castillan n'a souffert de discrimination », alors qu'au contraire « certains ont perdu leur emploi parce qu'ils parlent galicien ». Il juge le manifeste «axénophobe », « cynique et hypocrite », étant donné que le « castillan ne court aucun danger et reste une langue prédominante et hégémonique » en Espagne.

Patxi Baztazzika, vice-conseiller du gouvernement régional basque en matière de politique linguistique, considère pour sa part que le manifeste prétend « perpétuer la situation d'inégalité qui existe entre les langues ». « N'importe qui sait que l'euskerra (le basque) a besoin de protection et d'appui, bien plus que le castillan ».

 

 

 Source : Lexpress.fr, le 27 juin 2008

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/le-castillan-menace-par-les-langues-regionales_517503.html