LOUIS RIEL à Sir John A. Macdonald (suite)

 

Vous admirez nos sœurs pour haïr nos couvents,

Vous détestez nos séminaires

Autant que nos missionnaires.

Et moi je vous ai vu rire de nos savants.

 

Vous détestez tous ceux qui, dans le sacerdoce,

Combattent vaillamment les effets du poison

Que vous donnez à grosse dose

En mettant, dans chaque maison,

Cette soif de l'argent et de la jouissance

Qui fait tomber le corps en dégénérescence

Et qui fait aussi perdre à l'esprit sa raison.

 

J'ai voulu consacrer plusieurs de mes journées

À sonder, comme il faut, quelques intentions

Vous avez, en faisant vos fréquentes tournées

Aux belles institutions

Du Canada français. Visiteurs à maudire,

Vous y venez toujours pour trouver à redire.

 

La plupart d'entre vous, vous vous souciez peu

D'être même polis. Vous entrez l'œil en feu,

Vous partez sans laisser le moindre bon sourire,

Car vous ne savez pas aimer.

 

Lorsque vous me croyiez pris de folie extrême,

Mes oreilles cent fois vous ont ouï blâmer

Les établissements de la charité même.

 

Quand vous vous croyez seul, votre bonheur suprême

Est de nous mépriser et de nous diffamer.

 

Dans le Bas-Canada, la classe gouvernante

Dit généralement qu'elle est fière et contente

D'obéir à l'Anglais ; qu'il est pour nous, courtois

Et bon de nous laisser faire nos propres lois.

 

Mais croit-on que l'Anglais fera jamais outrage

Aux Canadiens français qui font bien son ouvrage,

L'Anglais est égoïste et plein d'ambition,

Il faut pour agents des âmes aussi viles

Qu'habiles.

 

 

 

Aussi, s'applique-t-il, dans notre nation,

À gagner les plus forts d'entre les plus serviles.

 

Canadiens ! l'Anglais n'est ni droit ni généreux,

C'est absolument le contraire,

Vous n'avez, pour le voir, qu'à bien ouvrir les yeux.

 

Voulez-vous bien juger de la vieille Angleterre,

Menacez de l'astreindre au Traité de Paris,

Non pas d'une manière infime et libérale,

Mais dans l'acceptation très juste et littérale

De chaque terme : alors vous verrez tout le prix

Que l'Anglais fait de vous ; il jettera des cris,

Il vous prodiguera les plus grandes injures,

Il traînera, s'il peut, tous ses arguments faux

Devant le Parlement, devant les tribunaux.

 

Ses cours, contre vos chefs, produiront des parjures,

Et quand, douze jurés, embrouillés et confus

Auront tous, sur les bancs qui leur servent d'affûts

Fait entendre un verdict de haine anglo-saxonne,

Un Lord parlant au nom de sa propre couronne

Et de sa fureur, écrira

Au grand chef d'Ottawa, des lettres toutes croches

Que ce méchant-ci publiera,

Pour vous administrer les plus sanglants reproches,

L'un et l'autre indirectement.

 

C'est ainsi que dernièrement

Carnavon de sa voix arrogante et colère

Outragea tant Lépine. Et l'infâme insulaire

Ému jusqu'à l'emportement

De ma présence au Parlement

Essaya de s'en prendre à la bonne Province

De crainte que je ne parvinsse

Un jour à réussir par le Bas-Canada,

Il lui fit les gros yeux et le réprimanda

À mon sujet, de la manière

La plus sotte et la plus grossière.

 

 

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