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Refonder la Francophonie

En cette saison où la Francophonie est célébrée, il importe de souligner les acquis de ce mouvement porté par ses organisations, certains de ses États membres, des entreprises des domaines de la culture, de l’éducation, de l’économie, de l’environnement et de la gouvernance qui l’animent. Un grand salut aux OIF, AUF, AIMF, APF, TV5, IFE, CFA, etc.

Cependant, les mutations du monde et de l’Afrique, où vit la majorité des francophones, appellent une refondation de la Francophonie, à moins de consentir à son inexorable marginalisation.

 

Par Jean-Louis Roy, diplomate et écrivain.

Il a aussi été secrétaire général de la Francophonie (1989-1998)

Une nouvelle Afrique

D’ici 2050, la population de ce continent va doubler, de 1,3 à 2,4 milliards de personnes. Annuellement, ses villes devront absorber 30 millions de nouveaux habitants ; ses écoles, 40 millions de nouveaux élèves ; et le marché du travail, 20 millions de nouveaux travailleurs. Un chantier colossal ! Heureusement, les ressources du continent, son marché en croissance et ses 650 millions d’utilisateurs d’Internet suscitent un vrai intérêt.

L’Asie, toute l’Asie, pas seulement la Chine, et plusieurs pays du Proche et du Moyen-Orient sont devenus partenaires du continent africain. Les Européens y cherchent leur place. La Russie et les États-Unis y plantent, à nouveau, leurs fanions. Désormais, la concurrence est une donnée inscrite dans l’ADN de l’Afrique. Elle lui offre des libertés d’action et des choix jusque-là inexistants. La Francophonie doit en prendre acte et, en conséquence, revoir ses dispositifs et ses priorités.

Un groupe de propositions

Compte tenu des enjeux évoqués, je crois indispensable qu’un groupe de propositions indépendant soit créé par les États et les gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) avec le mandat d’établir les domaines prioritaires de la politique francophone, les objectifs mesurables assignés et les ressources requises.

Quels domaines prioritaires ?

Faut-il créer un institut francophone du développement économique pouvant comprendre l’investissement, l’énergie, le commerce équitable et le développement durable, dont l’Afrique a un urgent besoin, et ainsi s’obliger à préciser les domaines et les objectifs chiffrés de cette entreprise ?

Faut-il reconfigurer ou abandonner la coopération politique de la Francophonie ? Présentement, elle ne dispose pas des ressources humaines et financières, des services de renseignement et d’une capacité d’intervention susceptibles d’infléchir les dérèglements dévastant plusieurs des États partie de l’OIF.

Faut-il changer le logiciel dans les domaines de la culture et de l’éducation, hausser l’action dans ces domaines constitutifs en y déployant de grandes initiatives, les plus exigeantes de l’histoire de la Francophonie ?

Un marché francophone international de la culture

Pour plusieurs, dont je suis, la création d’un marché francophone international de la culture apparaît indispensable et urgente comme contrepoids aux puissances numériques. Ces dernières étendent sur le monde la langue anglaise et les produits éducatifs, culturels et économiques qu’elles véhiculent.

Quelle réponse de la Francophonie à cette invasion permanente des espaces culturels et des esprits, et notamment des jeunesses francophones séduites, voire conquises, par l’offre actuelle ?

Scolarisation universelle et langue française

En Afrique comme ailleurs, plus qu’ailleurs, l’apprentissage de la langue française est intimement lié à la fréquentation scolaire. Un programme d’appui à la scolarisation universelle faisant appel aux technologies les plus avancées, et financé à un haut niveau, doit être urgemment mis en place. L’excellent Institut de la Francophonie pour l’éducation de Dakar pourrait en assurer la mise en oeuvre. Oubliez les 700 millions de locuteurs de la langue française en 2050 si la scolarisation des enfants africains ne porte pas, entre autres signatures, celle de la Francophonie. Oubliez-les, aussi, si la question de la circulation dans l’espace francophone ne trouve pas une réponse convaincante.

À défaut de cette refondation, la Francophonie ira en déclinant, comme un projet d’un autre temps. Les possibilités que la langue française soit l’une des grandes langues internationales, dans ce siècle, seront progressivement épuisées. Un autre avenir est possible.

Source : ledevoir.com, le vendredi 17 mars 2023

 

 

 




Publié par Régis RAVAT le 23 mars 2023

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