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Le Festival de Cannes colonisé par la langue de Donald Duck, le canard !

Force est de constater, au regard de ce qui se passe aujourd'hui sur la Croissette à Cannes que le Festival éponyme est en train de devenir pour la production cinématographique ce que le Concours de l'Eurovision est devenu pour la chanson : un lieu mortuaire pour la diversité linguistique et culturelle, un lieu où l'on fête la standardisation-normalisation sur le modèle anglo-américain, un lieu hautement pollué par la langue de Donald Duck, le canard.

Selon Depardieu, Cannes, c'était mieux avant

L'acteur français sera de nouveau présent à Cannes cette année pour présenter Valley of love, un film dans lequel il joue aux côtés d'Isabelle Huppert.

Gérard Depardieu sera de nouveau présent à Cannes cette année mais ce n'est pas une raison pour lisser son langage. L'acteur français doit présenter Valley of Love avec Isabelle Huppert et donne à cette occasion une interview à Télérama. La star n'hésite pas à faire part de sa déception devant l'évolution du festival qu'il a "d'abord connu comme plagiste". 

« De la plage, je trouvais ça magnifique. Et le soir j'entrais dans les fêtes comme si j'en sortais, avec un aplomb incroyable. Personne ne m'a jamais empêché. Je suis toujours entré. Devenu acteur, je me suis beaucoup amusé avec les cinéastes italiens venus à Cannes », se souvient l'acteur qui vante les scandales provoqués par les films des cinéastes italiens. 

Il devient grinçant quand il observe l'événement de nos jours: « Ce n'était pas une époque médiocre comme aujourd'hui, une époque dont on ne parlera même plus dans cent ans. C'était avant le triomphe et l'omniprésence de la télé à Cannes, des yachts, des fausses fêtes, des mauvaises drogues et du règne de joailliers sponsors au bout du rouleau. Je suis fatigué de tant de bêtise... »

Source : lexpress.fr, le lundi 13 mai 2015

Notre commentaire pour répondre à Gérard Depardieu qui dit que le Festival de Cannes c'était mieux avant  :  Avant, les Français n'avaient pas honte de leur langue au point de succomber, comme ils le font aujourd'hui, à l'anglomanie ambiante. Avant, M. Depardieu, votre film se serait appelé "La Vallée de l'Amour" et non "The Valley of Love". Mais aujourd'hui, les Français sont tellement anglo-colonisés qu'ils ne s'aperçoivent même plus qu'on est en train de leur voler leur âme en leur tuant leur langue.

 

Cannes : la promenade de l’anglais

FESTIVAL : La compétition témoigne d’une globalisation du cinéma d’auteur, au profit des acteurs et films anglophones.

Si l’on ne considère que sa section reine, la plus prestigieuse et sujette à convoitises, soit la compétition officielle, on peut croire discerner un vif recul de la part du cinéma anglo-saxon sur le présentoir cannois 2015, avec tout au plus un Australien (Justin Kurzel et sa relecture de Macbeth), deux Américains, Gus Van Sant (la Forêt des songes) et Todd Haynes (Carol), et pas l’ombre d’un film britannique.

Pour autant, jamais sans doute dans l’histoire du Festival tant d’acteurs d’extraction hollywoodienne auront concouru pour les prix d’interprétation et, plus encore, jamais on n’aura tant parlé English, ou plutôt Globish, sur l’écran du Théâtre Lumière du Palais. En effet, près de la moitié des prétendants à la palme cette année, quelle qu’en soit l’origine géographique désignée, se présenteront sur la Croisette parés de ces deux traits similaires : une anglophonie consommée, et une distribution bardée de stars dont c’est la langue maternelle - bien que rarement celle du réalisateur.

Dans son auteurisme aigu, Cannes entretient cette tradition de statuer sur la nationalité d’un film à la seule aune du passeport du cinéaste - à l’inverse des Césars, qui préfèrent considérer l’origine du financement. On y verra donc une fois encore défiler des films battant les pavillons les plus exotiques mais, pour peu que l’on retranche également l’imposante délégation gauloise, seuls 5 films sur les 19 en course devraient charrier pour le festivalier bilingue français-anglais un quelconque dépaysement linguistique : ceux du Taïwanais Hou Hsiao-hsien (The Assassin), du Chinois Jia Zhangke (Mountains May Depart), du Japonais Hirokazu Kore-Eda (Notre Petite Sœur), de l’Italien Nanni Moretti (Mia madre) et du Hongrois Laszlo Nemes(le Fils de Saul). Un peu court ?

Uniformité. Le reste de la compétition se compose d’un cortège de cosmo-auteurs déterritorialisés : ainsi du Mexicain Michel Franco (Chronic, avec Tim Roth), du Norvégien Joachim Trier (Plus fort que les bombes, tourné à New York avec Jesse Eisenberg et Isabelle Huppert), du Grec Yorgos Lanthimos (The Lobster, en Irlande avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux), du Québécois Denis Villeneuve (Sicario, avec Emily Blunt, Benicio del Toro et Josh Brolin) ou encore de deux des trois Italiens : Paolo Sorrentino (Youth, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Jane Fonda) et Matteo Garrone (Tale of Tales, avec Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel).

On ne fera certes pas mine de découvrir que Hollywood a de toute éternité aimanté les talents du monde entier (de Murnau, Fritz Lang et Greta Garbo à Alejandro González Iñárritu, Jean-Pierre Jeunet et Mélanie Laurent) ou que l’Amérique et ses mythes constituent de merveilleux objets de fascination pour les cinéastes (d’Antonioni à Wong Kar-wai). Reste toutefois qu’en de telles proportions, et au regard de l’uniformité des castings, cette sélection présente quelque chose de symptômatique d’une évolution brutale, soit d’une certaine tendance de la production de cinéma d’auteur dès lors qu’elle se confronte à un devis un peu ambitieux, soit du cahier des charges exigé pour prétendre aux plus hautes cimes cannoises, peut-être les deux. Et sans y voir nécessairement un mal, on peut tout de même trouver cela un peu… spécial.

En attendant de découvrir les films, le cas a priori le plus curieux semble celui de Matteo Garrone : entre les Pouilles, la Toscane et la Sicile, l’auteur (romain) de Gomorra et Reality y transpose à l’écran le Pentamerone de Giambattista Basile, recueil de contes (napolitains) du XVIIe siècle, en compagnie d'une distribution américano-franco-mexicaine qui baragouine en anglais et trône en tête d’une affiche promotionnelle qui nous renvoie aux heures les plus sombres de la filmographie de Rob Marshall (Chicago, Mémoires d’une geisha, Pirates des Caraïbes 4, ce genre).

Le distributeur et coproducteur français du film, Jean Labadie (Le Pacte), s’en tire par une pirouette : « Ce ne sont pas les Français qui poussent à l’anglais pour les films venant de pays dont ce n’est pas la langue. La langue universelle, c’est le cinéma ! » A priori, rien de très neuf pour qui se rappelle que, dès 1958, Jacques Rivette écrivait de l’œuvre de Kenji Mizoguchi, dans les Cahiers du cinéma : « Ces films - qui, en une langue inconnue, nous content des histoires totalement étrangères à nos mœurs ou habitudes - nous parlent un langage familier. Le seul auquel doive somme toute prétendre un cinéaste : celui de la mise en scène. […] C’est celui-ci, et non le japonais, qu’il faut apprendre pour comprendre "le Mizoguchi". » Mais il semble qu’en bien des cas, le seul idiome du cinéma ne suffise plus.

"Package". Muriel Sauzay, responsable des acquisitions et ventes internationales pour Pathé, confirme le fort pouvoir d’attraction pour les financeurs, des distributions anglo-saxonnes, ainsi que du choix de l’anglais comme idiome porteur dès lors que l’on ambitionne d’infiltrer l’imposant marché nord-américain, où les films ne sont jamais doublés, et réticent à exploiter des œuvres en langue indigène. « Tout cela se fonde principalement sur un ensemble que nous appelons le "package" : un réalisateur, plus une distribution, plus un budget, plus un script… Ainsi, après l’oscar pour La Grande Bellezza, l’idée d’un film de Sorrentino en langue anglaise avec Caine, Keitel et Weisz se révèle beaucoup plus facile à vendre qu’un nouveau film du même avec un acteur italien, en langue italienne…»

Dans un ensemble paru le 1er mai, la publication professionnelle le Film français souligne que la renaissance du cinéma transalpin passe par des « coproductions européennes en langue anglaise » : « Il y a une accélération vers l’internationalisation, y explique ainsi Riccardo Tozzi, producteur et président de l’Association nationale des industries cinématographiques et audiovisuelles italiennes. Plus le cinéma italien est identifié dans le monde à travers des auteurs célèbres, plus se crée une image de marque qui va aider et ouvrir les portes aux autres réalisateurs. » Jean Labadie : « À partir d’un haut niveau de budget - ce niveau diffère selon les pays -, la langue anglaise facilite le financement. Pour le Matteo Garrone cependant, le financement aurait été réuni même si le film était resté en italien. » Mais peut-être pas sans son panel de stars étrangères qu’il aurait fallu doubler comme au temps où les vedettes américaines ou françaises défilaient devant la caméra des Leone, Visconti, Ferreri ou Bertolucci.

Vincent Maraval, l’agitateur à la tête de la mini-major Wild Bunch - qui vient d’annoncer l’ouverture d’un bureau à Los Angeles -, reste dubitatif. Il lui semble en réalité qu’il n’y a pas de règle : « Nous n’avons pas mieux vendu Jimmy P. d’Arnaud Desplechin en anglais avec la star Benicio del Toro que nous ne l’avions fait sur Rois et Reine. Quand Tigre et Dragon d’Ang Lee, film en mandarin, fait 80 millions de recettes aux États-Unis et que Harvey Weinstein essaie d’augmenter les gains en faisant une version doublée, c’est un échec. Il n’y a pas de tendance de fond qui organiserait la production des films afin qu’elle s’aligne sur une éventuelle tyrannie de l’anglais. Simplement, les gens voyagent, s’ouvrent, font des rencontres loin de chez eux et parfois dans une langue qui n’est pas la leur. Michel Franco avait un scénario sur une infirmière mexicaine, mais lorsqu’il rencontre Tim Roth à Cannes, qui lui dit qu’il voudrait travailler avec lui, le projet change de nature et de langue. » Selon lui, le type de films présentés à Cannes n’est pas calibrable pour atteindre les multiplexes du monde entier et le choix de l’idiome dominant ne modifie pas substantiellement la donne.

Hybridation. Christian Jeune, bras droit de Thierry Frémaux, nous assure qu’il n’y a pas une tendance massive à l’anglicisation des fictions s’il doit juger de l’ample éventail des films considérés pour l’ensemble de la sélection officielle, mais reconnaît que les sélectionneurs ont été surpris de découvrir que les auteurs qu’ils attendaient s’étaient en quelque sorte passé le mot. Olivier Père, patron d’Arte France Cinéma, qui coproduit une vingtaine de films français et étrangers par an, estime qu’« on traverse une période de plus grande hybridation des coproductions, et donc des projets. Ce que l’on constate ces dernières années est tout de même loin de "l’euro-pudding", ces productions des années 80 et 90 où l’on imposait l’anglais comme vecteur d’export sans aucun respect du sujet. Des films qui n’avaient toutefois pas vocation à se retrouver en compétition à Cannes. Aujourd’hui, il faut bien distinguer deux choses. Évidemment, il nous arrive de recevoir des projets un peu bizarres, dont l’anglophonie traduit une tentative de faire du cinéma dont le genre serait "européen" ou une absence de respect pour le fond du film. Et il se trouve qu’à Arte, on étudie avant tout les qualités artistiques du projet, mais aussi son intégrité, ce qui passe évidemment par la langue ».

Bougeotte. « Mais d’autre part, poursuit Olivier Père, il y a de plus en plus de projets où l’anglais prend tout son sens de par le contexte narratif et le désir initial du réalisateur, comme  Sils Maria, d’Assayas (qui a beaucoup mieux marché à l’international qu’en France) ou le film de Joachim Trier cette année. Des films qui traduisent un effacement des frontières du cinéma d’auteur, avec une volonté des cinéastes de s’affranchir des limites de leur propre pays pour aller vers un ailleurs, des codes différents, des tournages lointains, des rencontres avec des acteurs d’horizons plus variés. Cela part d’une curiosité intellectuelle et, à mon niveau, j’y vois plus des possibilités supplémentaires qu’un diktat d’exportation. » Une réception favorable dans les festivals, et en particulier à Cannes, sert souvent de catalyseur à cette bougeotte des cinéastes, dans le sillage d’exemples diversement anciens comme Lars von Trier, Emir Kusturica ou Laurent Cantet, et au diapason d’une accélération des flux de pérégrinations plus vastement au cœur de l’époque. Mais on notera toutefois, avec un soupçon de mauvais esprit, qu’il demeure plutôt rare de voir un Argentin ou un Suédois partir tourner loin de chez lui un film turcophone.

Si l’on se gardera, à ce stade, de préjuger de la capacité des cinéastes concernés à préserver la singularité de leur regard ainsi déraciné, reste que l’un des charmes indéniables d’un festival de cinéma tel que Cannes réside dans la confrontation à laquelle il nous convie avec un planisphère composite, ramifié d’accents, de gestes et de visages inconnus de nos radars. Et, qu’il faille deviner dans l’uniformité de façade de la compétition et de ses têtes d’affiche un geste de sélectionneurs ou un symptôme incident, il s’agira pour quêter notre dose d’altérités minoritaires cette année d’aller fureter ailleurs, toutes boussoles déroutées. Soit dans les ramifications en sélection officielle (notamment à Un certain regard), soit dans les sections parallèles (la Quinzaine des réalisateurs, la Semaine de la critique), dont le menu tranche avec l’ambiance de boutique hors taxes globalisée de la vitrine compétitive par la pluralité de ses couleurs autrement locales.

Didier Péron et Julien Gester

Source : liberation.fr, le mardi 12 mai 2015
Possibilité de mettre un commentaire à la suite de cet article sur : http://next.liberation.fr/cinema/2015/05/12/cannes-la-promenade-de-l-anglais_1308312

 

Cannes 2015 : l'anglais, « l'espéranto » du cinéma !

Le Festival de Cannes, plateforme avérée du cinéma mondial, démontre s'il était nécessaire que l'anglais est devenue la langue officielle du cinéma. Un tiers des films en compétition, pourtant réalisés par des cinéastes non-anglo-saxons, ont été tournés dans cette langue.

Réalisateurs et acteurs se sont tous mis à la langue de Shakespeare pour parler cinéma dans les œuvres qui espèrent décrocher la Palme d'or du 68e Festival de Cannes. C'est l'anglais qui a été choisi par les Italiens Paolo Sorentino et Matteo Garrone, respectivement pour Youth et Il racconto dei racconti (Tale of the Tales). A l'instar du Grec Yorgos Lanthimos dans The Lobster, du NorvégienJoachim Trier dans Louder than bombs, de Chronic du Mexicain Michel Franco, de Sicario du Québequois Denis Villeneuve.

Ces six films s'ajoutent à trois autres dont les réalisateurs sont anglo-saxons (Carol de l'Américain Todd Haynes, The Sea of Trees de son compatriote Gus Van Sant et Macbeth de l'Australien Justin Kurzel).

L'anglais pour s'imposer sur le marché américain ?
Au total, neuf des dix-neuf films en compétition ont été tournés en anglais. Interrogé sur cette tendance lourde dès l'annonce de la sélection officielle,Thierry Fremaux avait expliqué, notamment à propos des œuvres italiennes (Youth et Tale of Tales), qu'il n'était pas question pour leurs réalisateurs de s'attirer les faveurs du marché américain mais que leur démarche était le résultat d'un itinéraire artistique. L'occasion de souligner combien le Festival de Cannes était attentif à cette problématique linguistique.

Selon le délégué général du festival, « il y a deux choses : d'abord ce n'est pas de l'anglais, c'est de l'esperanto. C'est-à-dire que l'anglais est aussi devenu un langage mondial qui fait que ce n'est pas forcément une langue attachée à un pays. Il n'est pas dans mon rôle de dire ici que l'on pourrait s'en plaindre : c'est comme ça ! Deuxième chose: ce sont des films anglais avec des comédiens (anglophones) et avec une logique narrative qui fait que les personnnages sont internationaux ou anglo-saxons, comme par exemple dans le film de Paolo Sorentino. Chaque année, nous refusons un nombre incalculable de films qui se passent dans certains pays et qui tentent d'en raconter la culture et l'histoire dans une langue anglaise qui apparaît (alors) saugrenue. De ce point de vue, nous sommes assez vigilants. » Un message qui s'adresse « à certains producteurs américains qui croient véritablement que la langue anglaise est devenue l'espéranto ».

Pour les cinéastes, adopter l'anglais, c'est l'occasion de s'offrir des stars de Hollywood, comme le rapporte Le Monde qui s'est intéressé à la question. Ce fut le cas, explique le quotidien, pour le réalisateur mexicain Michel Franco. « Tim Roth (comédien britannique) m'a dit qu'il aimerait jouer le rôle, si j'acceptais de transformer le personnage en homme, et de le tourner en anglais. » Accéder à la demande du comédien n'aurait eu aucune incidence artistique ou même financière.



Démarche inverse pour les grandes pointures du cinéma français, qui collaborent depuis longtemps à des productions internationales, comme Isabelle Huppert, Vincent Cassel, Marion Cotillard et récemment Léa Seydoux. Sur la Croisette, elles relèvent le défi de l'anglais, avec néanmoins quelques concessions dans le scénario à leur langue maternelle.

Dans Louder than bombs, Isabelle Huppert interprète une grande photojournaliste mariée à un Américain et vivant aux États-Unis. Léa Seydoux incarne, pour sa part, une rebelle dans le monde étrange deThe Lobster, où les individus qui restent célibataires plus de 45 jours, sont transformés en un animal de leur choix. Quant à Marion Cotillard, elle n'est rien d'autre que Lady Macbeth dans le film Macbeth. Vincent Cassel donne également la réplique en anglais dans Il racconto dei racconti de Matteo Garonne. Cette fois-ci, sans accent comme récemment dans Enfant 44 où il interprétait un responsable militaire russe. Également à l'affiche de Mon roi de la réalisatrice française Maïwen, l'un des cinq films français en compétition, le comédien n'a pas fait mystère du confort de travailler dans la langue de Molière.

« On ne peut pas avoir la liberté que l'on a dans sa langue maternelle »
Interrogé par Géopolis sur le fait de retrouver le français dans un rôle où sa performance, très fluide, a été le fruit « d'une improvisation dirigée », comme il le souligne, il estime qu'« il y a des limites à jouer dans une langue étrangère ». «C'est vraiment dommage d'ailleurs, poursuit-il. On ne peut pas avoir la liberté que l'on a dans sa langue maternelle. Ou alors, il faut intégrer le fait que (le personnage) ne parle pas correctement (...). Cela peut être très bien. Il n'y a pas de règle. » 

Un autre acteur, japonais cette fois-ci, Ken Watanabe joue en anglais face à Matthew McCo­nau­ghey dans The Sea of trees de l'Américain Gus Van Sant. L'action se déroule dans une forêt au pays du Soleil levant, fréquentée par des candidats au suicide.

Dans la compétition 2015, les derniers résistants sont asiatiques ou européens. Le Japonais Kore-Eda Hirokazu (Unimachi Diary), le Taïwanais Hou Hsiao Hsien (Nie Yinniang), le Chinois Jia Zhang-ke (Shan He Gu Ren) – même si son film conduit les spectateurs de la Chine à l'Australie –, le Hongrois László Nemes (Saul Fia) ou encore l'Italien Nanni Moretti (Mia Madre). Dans cette fiction, où l'on parle aussi (un peu) anglais, ce dernier invite une star américaine à jouer dans sa langue maternelle. Ainsi, son héros, incarné par John Turturro (aux origines italiennes connues), est le personnage principal d'un film, en terre italienne, dirigé par une native du pays et dont la mère est hospitalisée. Les difficultés professionnelles et linguistiques de la tête d'affiche sont évidentes et apportent une belle dose d'humour à une œuvre dramatique.

À Cannes, capitale du cinéma mondial pendant dix jours, les rois sont les Américains. Ils constituent la première délégation au marché du film qui se tient en parallèle du festival. En Europe ou en Chine, où ils dominent le box office, c'est eux qui donne le «la» d'une chanson dont les paroles sont écrites... in english !

Falila Gbadamassi

Source :  geopolis.francetvinfo.fr, le lundi 18 mai 2015

 

Qui veut tuer la chanson française ?

Lettre de Jean Ferrat au journal le Monde, le 8 janvier 2002 :

Oui ou non, le service public a-t-il pour mission (entre autres) d’informer de la création contemporaine en respectant la diversité des genres, des styles, des écoles ?

On se pose beaucoup la question, ces temps-ci, à propos du cinéma. Eh bien, moi, je voudrais la poser brutalement, la question, à propos de la chanson française. Après bien d’autres tentatives, j’avais déjà essayé de la poser, en février 2001, en écrivant à Michèle Cotta, directrice générale de France 2. C’était au sujet d’Isabelle Aubret et du véritable boycottage (pour ne pas dire plus) dont elle était victime sur cette antenne.

Devinez ce qui arriva. Rien. Je n’eus pas même l’honneur d’une réponse. Isabelle Aubret a dû commettre de grands crimes : elle a eu aussi un problème avec la radio France-Inter. Invitée à la même époque dans l’émission de Stéphane Bern pour présenter son nouveau disque et parler de Bobino, elle voit sa participation annulée. Sans raison. Sur ordre de la direction. Ce n’est qu’après mon intervention auprès de la présidence de Radio-France qu’elle est autorisée, sans la moindre interview, à chanter une chanson dans ladite émission. Certes, elle a été invitée en décembre 2001 par Pascale Clark dans « Tam-Tam, etc. ». Mais l’émission a lieu sans qu’une seule de ses chansons soit diffusée. Il faut que les présidents des sociétés audiovisuelles sachent ; il faut que le Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel sache ; il faut que la ministre de la culture, Catherine Tasca, sache ; il faut, enfin et surtout, que le public sache avec quel mépris on peut traiter, dans les médias publics, une artiste respectable. Et elle n’est pas la seule.

Ces responsables divers et variés, je les interpelle. Est-ce qu’ils se rendent compte que les petits marquis qui font la loi dans la programmation réduisent totalement au silence des pans entiers de la création française ? Ont-ils conscience de cette aberration : dans notre pays dont on peut écrire l’histoire par la chanson, le seul fait de prononcer actuellement ce nom vous ferait passer pour un homme des croisades ? Est-il venu à leurs oreilles, à leur conscience que, s’il est bon de s’enrichir des musiques et des cultures du monde, nous sommes un certain nombre à dire non au rouleau compresseur, au monopole imposé du métissage totalitaire et du raz de marée anglo-saxon ?

Enfin, ne croient-ils pas que l’exception culturelle qui a sauvé le cinéma français et dont certains veulent la disparition devrait aussi s’appliquer à la chanson ? Seule, elle permettrait la diversité et donnerait la possibilité de se faire entendre à tous ceux qui sont systématiquement écartés des antennes. Je sais ce que l’on va m’objecter : la loi sur les quotas imposés de chansons françaises dans les programmes répond à la question que je pose. Non, cent fois non, car elle n’a pour effet, le plus souvent, que de multiplier les diffusions d’artistes qui le sont déjà largement sans cela. Rappelons-nous l’étonnement même de Francis Cabrel qui trouvait anormal, il y a quelques années, que le titre-phare de l’un de ses albums ait été diffusé plus de dix mille fois en un an sur les différentes radios ! L’ignorent-ils, ces responsables divers et variés ? Ils existent ceux qu’ils ne connaissent pas, ils vivent, ils écrivent, ils chantent souvent depuis des années, en France, à Paris même, les héritiers des Couté, Bruant, Rictus.

Oui, messieurs, ils chantent dans ces petits lieux aléatoires en subsistant comme au XIXe siècle : en faisant la quête ! Qu’ils aillent donc les écouter, les voir les Christian Paccoud, les Bernard Joyet, les Philippe Forcioli, les Allain Leprest et des dizaines et des dizaines de vrais auteurs, de vrais créateurs condamnés au silence sur leurs ondes. J’allais dire sur nos ondes. S’ils sont dignes par eux-mêmes, ils ont droit eux aussi d’être reconnus, dignes d’exercer leur art et d’être diffusés normalement. Ne laissez pas s’éteindre la petit flamme vacillante de la chanson d’expression française. Elle résiste. À vous de la préserver, de la transmettre. Vous en avez non seulement le pouvoir, mais le devoir.

Pour réagir face à l'anglicisation-américanisation qui nous assaille, 
- penser à être actifs dans les actions qu'a mis en place notre association : http://www.francophonie-avenir.com/fr/Nos-actions/articles-4-1
- et ayez toujours en tête, la phrase du philosophe, politicien et patriote québécois, Pierre Bourgault :

« Quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l’hégémonie d’une seule »




Publié par Régis RAVAT le 18 mai 2015

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